Jean Cazelles
Du Bassin de Decazeville (1) au Site de Conques (2)
Se fondre dans l’atmosphère familière et inhospitalière de ses origines et saisir les lumières ponctuelles qui percent les ténèbres profondes des vestiges industriels du Bassin de Decazeville et autres paysages hors du temps, c’est amener le fond à la surface, aller par ce chemin à l’essence même des choses, à l’inaccessible, au secret.
Si le réel est nécessaire au processus créatif, le médium photographique, loin de sa seule force descriptive peut ensuite, par sa puissance tactile intrinsèque, donner aux lieux sortis de l’ornière documentaire, une autre raison d’être, une seconde réalité.
Une quête, en somme, impressionnée par la charge émotionnelle, voire spirituelle d’une rencontre décisive entre un homme et les éléments qui l’envoûtent, entre un auteur et les espaces hantés et mésestimés dont il devient le photographe intercesseur.
Qu’elles invitent à la découverte ou à la méditation, les photographies du prestigieux Site de Conques suivent ici le même cheminement, pour l’œil comme pour l’esprit, car il est toujours question d’abolir les limites de l’espace-temps et de conjurer l’invisible, quel que soit le lieu, quelle que soit l’histoire.
Même conjonction de noirs et de lumières, de contrastes et d’harmonies, de mystères et de révélations. Même acte sublime surtout. Et parce qu’il n’y a pas de vues à légender, l’appréhension de l’espace peut se faire sans crainte et déboucher in fine, sur un récit en images plus propices à la réflexion qu’à la re/connaissance.
Par un point de vue intuitif, affectif et volontairement distancié de l’indéfectible pittoresque, l’auteur-photographe confronté à la prégnance d’un sujet hors du commun, ne peut que s’évertuer à restituer intacte et indélébile la marque d’un émoi tout aussi exceptionnel.
Jean Cazelles
(1) De la série : “De l’État des lieux à l’État de grâce” (1998)
(2) De la série : “Ostensions entre Ombre & Lumière” (2006)
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Jean Cazelles a porté son objectif sur les zones d’ombre du passé. C’est saisissant et surtout, comme on dirait d’une pièce de musique, cela sonne juste. Quelques traces de lumière baignées d’obscurité. Le regard se fraye un chemin à travers l’ombre, cherche a comprendre la magie de l’image. Un moment de grâce… Tout est silence, en suspension dans le temps, en attente d’on ne sait quoi, d’on ne sait qui, mais bel et bien en attente, sauvé de l’oubli par le photographe… Oui, c’est saisissant, et difficile aussi. Cela ne se livre pas au premier regard, il faut fouiller la pénombre, arrêter le regard, le forcer à trouver là de petites parcelles de bonheur. L’indicible, quoi.
Jacques Desage
in : “Jean Cazelles – Un moment de grâce” (Miroir de l’Art N°6)